• Sous un amandier

     

    Ainsi a-t-elle conçu, ce que j'appelle par analogie, son propre « roman conjugal ». Elle me prenait pour un parfait étranger, se méfiait de moi et s'éloignait à chaque fois que je m'approchais d'elle pour ne point avoir à croiser mon regard. Souvent, je la surprenais fixant le portail d'entrée. Au début, je pensais qu'elle attendait quelqu'un ou quelque chose - que sais-je - ne surgisse soudain de je ne sais d'où mais j'ai vite compris qu'elle voulait en réalité s'échapper de ce lieu qu'elle tenait pour une prison, certes ouverte de toute part. Si elle ne l'a pas fait, c'est sans doute parce qu'elle craignait beaucoup plus les monstres qu'elle supposait tapis derrière ce portail que son triste geôlier. « Pourquoi m'as-tu ravi?", me lança-t-elle un premier jour de mai, assise sous un amandier, une brise légère ramenant ses cheveux sur ses yeux et ses mains occupées nerveusement à les tirer en arrière.

    Est-il possible que je sois seul responsable de son ravissement ? Avions-nous jamais été deux ! Mais alors, qui peut être cet Autre qu'elle me soupçonne d'avoir écarté ? Cet Autre idyllique à qui je suis supposé avoir dérobé la place et qui ne quitte pas ses pensées. N'est-il pas lui le ravisseur ?

    "C'est toi, c'est toi l'Autre.

    L'Autre, c'est toi.

    Toi d'avant moi", me lance-t-elle comme lisant dans mes pensées.


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