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    Dans ses yeux rieurs, on pouvait voir toute la beauté du monde. Son regard n'est jamais pénétrant, il marque juste de son empreinte son passage vaporeux. Un papillon, voilà ce qu'elle est. Des couleurs et des battements d'ailes. Tous les jours, tout le temps... Même quand il pleut, même quand elle reste gentiment sur son tabouret, le minois collé à la vitre, regardant avec attention je ne sais quoi de fascinant et attendant patiemment que l'orage passe. « Mille et une gouttes de pluie » me dit-elle en riant, les yeux rêveurs. 1001 gouttes me répète-elle à chaque fois avant de courir droit vers le jardin et plonger, toute entière, dans du sable encore humide.


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    Ma vigilance baisse et l'hôtel où nous avons l'habitude de nous arrêter quelques heures est à une cinquantaine de kilomètres. Il fait déjà nuit... Ma vue s'embrouille et les lumières des phares m'aveuglent. Je ralentis. Machinalement je tends la main vers la radio pour augmenter le son mais je me ravise. Je ne désire pas la réveiller. Elle dort depuis un moment déjà, d'un sommeil léger. Elle frissonne aussi, sursaute de temps en temps.

     

    J'évite de la regarder. Je fixe mon regard droit devant moi. Peur. Peur de reconnaître sur son visage endormi la crispation du doute, de la voir, au travers de ses yeux fermés, me juger sévèrement et me condamner. Je l'entends respirer, paisiblement ? Je pose ma main sur ses genoux, doucement. Elle me prend la main, fermement. Sans la regarder, aveugle, j'explore les noirs abîmes de ses soupçons et je me sens défaillir.

     

    Des yeux de bêtes jettent sur moi des étincelles rouges. Une horde entière me prend en filature, grogne, hurle. J'accélère... en silence de peur que la dormeuse, à côté de moi, n'ouvre les yeux sur le chaos. Je m'enfuis. Je la fuis. Fugitif. Fugitif enchaîné, tenu par sa main posée sur la mienne.

     « Enfin arrivés à l'hôtel, je n'en pouvais plus », soupire-t-elle. Sa voix m'est parvenue en cadences, faible mais claire. Je tourne les yeux vers elle. Je la regarde enfin, je la regarde comme au jour où je l'avais vu la première fois. Elle a l'air fatigué, ses yeux noyés dans un océan de larmes. Pleurait-elle dans son sommeil ? J'improvise, je veux rompre ce silence. Elle me devance : « Demain, tu me raconteras ton histoire, demain. Ce soir, je me sens lasse. » <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

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    Je te parle tous les jours. Tous les jours, je te raconte une histoire. Des histoires, j'en ai plein la tête. Tu m'entends ? Tu m'entends faire les quatre cent pas ? Tu m'entends me promener sans arrêt dans ma chambre ? Tu m'entends chanter ? Tu m'entends recomposer les notes de ta vie ? M'entends-tu hurler ? M'entends-tu t'appeler, te donner un nom ? Dis !

    Il est rentré ce soir là l'air assommé. Dans ses yeux, un océan. Juste un sourire, à peine esquissé, en guise de compliment. Et puis enfin des mots : « tu n'aurais pas du m'attendre ». T'attendre ? Je n'ai jamais cessé d'attendre. Tu m'entends ? Son regard, un gouffre dans lequel elle se perd, elle chavire, elle manque de tomber mais il la rattrape, la retient encore une fois, elle, grisée par la chute. En silence, il l'a prend doucement par le bras, la tire vers lui, lui caresse les cheveux, le visage, lui murmure dans l'oreille : « je t'écoute, même si j'ai du mal à t'entendre »


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    Il s'est réveillé en sueurs, exactement comme la veille, le cœur palpitant et des larmes aux yeux. Encore ce matin, il lui est impossible de se rappeler son rêve. Il reste pourtant longtemps allongé dans son lit, une heure, peut-être plus, essayant vainement de fixer son regard sur un de ces nombreux objets qui, au fil de ces dix dernières années, ont été sélectionnés, accumulés et posés négligemment un peu partout dans sa chambre. Mais de quoi a-t-il rêvé ? Plutôt de qui? De qui ai-je rêvé? Dans mon assourdissement, un air de musique me parvient, des bribes de musique couleur azur me font tourner la tête et me font toucher les étoiles. Envie de dormir... Une lame de lumière traverse l'espace et finit sa course dans la glace. Soudain, son reflet lui est donné à voir. Soudain, il croit se souvenir de son rêve, le même qu'il avait fait la veille. Il en est sûr à présent. C'est le même... mais hormis cette certitude vaporeuse, le néant. La lumière évanouie, son reflet disparaît, ses pensées s'embrouillent et son corps est sujet à de violentes secousses. "Debout ! C'est l'heure, tu vas être en retard"


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  • Pour que l'écriture rende compte de la complexité de la vie, des sentiments enfouis, des arcanes de notre mémoire, il faudra qu'elle renonce a sa structure linéaire, qu'elle se débarrasse de cet arbitraire qui lie le signifiant tristement prosaïque au signifié maladroitement relatif.

    L'écriture devrait peut-être arpenter le chemin du nihilisme, abattre les cloisons de la langue, se libérer de la chaîne des mots pour ensuite renaître de ses cendres...

    Explorer le monde infini de l'imaginaire, c'est laisser prise à cette parole inextinguible, cette parole secrète, cette parole patrimoine qui sommeille en nous et que nous partageons avec l'Autre. Cette parole qui s'écrit dans tous les sens, c'est celle qui libère le locuteur du cauchemar dans lequel il sombre à chaque fois qu'il est réduit au silence et à la solitude qu'impose la langue/écriture de l'Autre.


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