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    Si le commanditaire de l'acte terroriste avait uniquement pour objectif de saper le moral des hommes, il l'aurait atteint inéluctablement. Voir des hommes ravis à leurs proches et fauchés par une Mort appelée par le simple désir d'une horde sanguinaire m'a toujours laissé sans voix. Le silence devient le seul refuge, un silence qui vient se substituer à une révolte sourde, une révolte qui vous tient le ventre, vous étouffe, vous exaspère, incapable de prendre forme... Une colère qui vit en vous, toujours bouillonnante, mais qui ne se traduit même pas en paroles.

    La difficulté, c'est de nommer. Nommer la Bête, lui donner un Nom. Nommer ce qui n'a pas droit de cité. Proférer le nom de ce monstre protéiforme qui vous fait partager la responsabilité d'un acte immonde et que vous rejetez de toutes vos forces.

    Dire... Dire que cette bête, nous l'avons laissé immerger des bas-fonds macabres d'où elle ne devait jamais sortir. Mais encore faut-il prendre le recul nécessaire pour regarder en face ce que nous refusons de nommer... cette chose honteuse dont nous avons peut-être oublié le nom...

    Oubli ?

    Qu'a-t-on oublié ?

    Notre Mémoire.

    Les bombes meurtrières de Batna et de Delys, au-delà du fait qu'elles visaient l'armée, symbole jussif de la souveraineté d'un Etat, et le Président de la République lui-même, témoignent surtout de la fragilité de notre Société. Pourquoi des jeunes personnes à la fleur de l'âge s'offrent-ils à la Mort et acceptent de se sacrifier ? Ce sont des jeunes désabusés vivant des frustrations continues dans une société sans Père et sans repère ? On parle bien de jeunes recrues dont l'âge ne dépasserait pas les 25 ans. En 1992, ces jeunes devaient avoir à peine 10 ans. Ils étaient de jeunes écoliers innocents. Qu'a fait le système éducatif de notre pays de ces enfants ? Qu'avons-nous fait de nos enfants pour les pousser à la mort ? C'est de cette responsabilité qu'il s'agit.


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  • Enfin le soir!

    Les lumières tamisées des abats-jours créent dans la chambre un air de nostalgie, un air de tristesse mêlé, étrangement, à une sorte de bonheur intérieur.

    Le pur bonheur de la solitude.

    Le plus difficile,aujourd'hui, c'était de garder mon calme. Après avoir répondu à des questions à peine construites d'une journaliste novice qui voulait allier dans un seul papier deux problèmes distincts, j'ai dû m'armer de patience pour écouter le reste:  dans une tentative désespérée de revenir sur les derniers incendies qui ont embrasé le nord du pays, elle voulait connaître le coût des dégâts occasionnés sur de malheureuses lignes électriques, pensant sans doute que cette information, c'est-à-dire l'incidence du remplacement d'une centaine de mètres de lignes et quelques supports électriques sur les finances d'une grande compagnie, est aussi importante pour les lecteurs que l'estimation des pertes humaines et matérielles causées à une population démunie et marginalisée vivant au milieu des brousses. J'avoue que l'intérêt de cette journaliste m'avait d'abord ému. Je l'imaginais écrire tout un pavé, dans un canard méconnu, sur les pertes "considérbles" d'une société qui risque la "faillite" à cause d'un risible foyer de feu. Oui, j'imagine bien le qualificatif "considérables" que nos journalistes utilisent quans ils sont incapables de se faire une idée précise sur l'ampleur des "dégâts occasionnés". Seulement voilà, je me suis vite mise en colère. "Notre entreprise préfère ne pas faire référence aux pertes subies suite aux derniers incendies par respect aux familles et proches des victimes qui y ont laissé leurs vies" avais-je répondu avec une voix que je ne me connaissais pas et qui m'avait, de suite, glacé le sang.

    Mon calvère n'allait pas s'arrêter là. A peine avais-je raccroché que le téléphone sonna de nouveau. Cette fois-ci, j'avais au téléphone un journaliste chevronné travaillant pour un grand titre de la presse écrite. Celui-là voulait des informations sur un sujet beaucoup plus sérieux et encore d'actualité. Au moment où je pensais que mon cauchemar allait prendre fin, le voilà qui me sort une ânerie: "Mais enfin... je ne comprends pas! Ces deux méga-ouvrages que vous voulez réaliser vont vous coûter très chers vu la conjoncture actuelle qui tire les offres commerciales vers la hausse. Vous dîtes que leur réalisation est capitale pour couvrir les besoins de 2013 et c'est pourquoi vous devez entamer la mise en oeuvre? " me dit-il, de l'air que prendrait un grand spécialiste scandalisé. Jusque-là, je suivais bien son raisonnement et j'attendais impatiemment qu'enfin il en vient à sa fatidique question. Je ne savais pas encore que cette question allait m'assommer:" Mais alors, mademoiselle (là, il articule), pourquoi vous n'avez pas réalisé ces ouvrages en 2003 ou en 2004? Pourquoi avoir attendu aussi longtems puisque vous saviez que la demande allait fatalement évoluer?"

    Que répondre à cette question "pertinente" posée par un journaliste qui écrit tous les jours des billets critiques à l'attention de la foule crédule... "Et pourquoi pas en 1978 pendant que vous y êtes? ai-je lancé avant de lui demander s'il avait pris la précaustion d'acheter toutes ses provisions de sucre, de café et de lait pour les vingt années à venir, les prix de ces derniers étant appelés à augmenter". Heureusement que je n'avais pas eu à en dire plus. Confus, il changea de sujet et me parla, à son tour, des incendies et de la visite du Président dans l'est du pays.


    Arrivée à l'université, j'ai revu quelques-uns de mes étudiants qui sont venus passer les rattrapages. Je leur ai donné à analyser une lettre extraite des Liaisons dangereuses dans laquelle Mme de Merteuil expliquait à Valmont comment elle a créé son personnge de toute pièce :"Je suis mon ouvrage" lui a-t-elle dit, dévoilant par la même occasion une partie de son Art. Les deux heures d'examen écoulées, les étudiants m'abordèrent: "Madame, il nous faut juste un dix pour passer". Rien que ça? Il est clair déjà qu'ils n'ont rien appris de la science de la Marquise! 


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  • Que font tous ces gens qui peuplent la ville,

    Chez eux...

    Là...

    Maintenant?

    Moi, je capture un instant...

    Un seul... en été.


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  •  

    Déjà en juillet

    Fallait juste rouvrir les yeux

    Le ciel et la mer sont bleus

    Des jours sont passés

    Les ombres n'ont pas bougé

    Déjà, juillet.


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    Lire, se prêter à la lecture, plonger dans le monde de la fiction, sentir les personnages prendre forme dans un espace temps incertain et précaire... Toucher du doigt la littérarité de l'œuvre et participer à la construction d'un univers... Celui de Kundera est celui où les petits détails ridicules auxquels personne ne prête attention jouent le rôle d'un personnage agent qui a le pouvoir de tout faire basculer: un petit mensonge, une parole vague, une action insignifiante décompose toute l'œuvre, l'éclate en mille morceaux... pour ensuite la reconstruire et prête à l'invraisemblable une évidence terrifiante.

    De l'univers de Kundera à celui de Caldwell, il n'y a qu'un pas. Par le hasard des choses, des rencontres inattendues deviennent possibles. L'imaginaire de Caldwell fait du détail insignifiant non pas le commencement d'un monde - et encore moins sa justification première - mais sa limite, une sorte de « fin » itérative qui risque continuellement le tarissement au fur et à mesure que le récit, lui, se développe, se nourrit des situations ridicules – "risibles", dirait Kundera - et de son déséquilibre permanent jusqu'à l'épuisement et le point final.


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