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    Ma vigilance baisse et l'hôtel où nous avons l'habitude de nous arrêter quelques heures est à une cinquantaine de kilomètres. Il fait déjà nuit... Ma vue s'embrouille et les lumières des phares m'aveuglent. Je ralentis. Machinalement je tends la main vers la radio pour augmenter le son mais je me ravise. Je ne désire pas la réveiller. Elle dort depuis un moment déjà, d'un sommeil léger. Elle frissonne aussi, sursaute de temps en temps.

     

    J'évite de la regarder. Je fixe mon regard droit devant moi. Peur. Peur de reconnaître sur son visage endormi la crispation du doute, de la voir, au travers de ses yeux fermés, me juger sévèrement et me condamner. Je l'entends respirer, paisiblement ? Je pose ma main sur ses genoux, doucement. Elle me prend la main, fermement. Sans la regarder, aveugle, j'explore les noirs abîmes de ses soupçons et je me sens défaillir.

     

    Des yeux de bêtes jettent sur moi des étincelles rouges. Une horde entière me prend en filature, grogne, hurle. J'accélère... en silence de peur que la dormeuse, à côté de moi, n'ouvre les yeux sur le chaos. Je m'enfuis. Je la fuis. Fugitif. Fugitif enchaîné, tenu par sa main posée sur la mienne.

     « Enfin arrivés à l'hôtel, je n'en pouvais plus », soupire-t-elle. Sa voix m'est parvenue en cadences, faible mais claire. Je tourne les yeux vers elle. Je la regarde enfin, je la regarde comme au jour où je l'avais vu la première fois. Elle a l'air fatigué, ses yeux noyés dans un océan de larmes. Pleurait-elle dans son sommeil ? J'improvise, je veux rompre ce silence. Elle me devance : « Demain, tu me raconteras ton histoire, demain. Ce soir, je me sens lasse. » <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>

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